Même virtuel, l’art améliore la santé

auteur: Mario Girard, LaPresse
source: https://www.lapresse.ca/arts/chroniques/2024-02-03/meme-virtuel-l-art-ameliore-la-sante.php

J’ai mis la main sur une étude très intéressante qui sera dévoilée cette semaine et qui porte sur l’impact de l’art sur les personnes âgées. En gros, on y apprend que de simples visites virtuelles dans un musée au cours desquelles on expose des personnes à l’art ont un effet positif et direct sur leur santé.

Mario Girard – LaPresse

Le projet que les chercheurs ont mis sur pied est basé sur une approche d’innovation sociale, un processus par lequel des partenaires de différents secteurs mettent en commun leurs expertises, compétences et ressources pour relever des défis sociétaux tels que l’isolement social des aînés.

Dans le cas qui nous occupe, cette innovation, qui a réuni le Musée des beaux-arts de Montréal (MBAM), le laboratoire AgeTeQ du Centre de recherche de l’institut universitaire de gériatrie de l’Université de Montréal, l’Association des guides bénévoles et d’autres partenaires, a pris la forme de cycles de visites guidées au MBAM avec de petits groupes de participants, dont un certain nombre provenait de la communauté chinoise de Montréal.

L’isolement social est un grave problème. Les personnes âgées vivant seules en milieu urbain avec un faible niveau socioculturel sont plus exposées à l’isolement social. Le sentiment de solitude et de mal-être qui en découle, tant mental que physique, mène à une fragilisation de la personne.

La proportion de Canadiens âgés de 65 ans et plus qui déclarent souffrir d’isolement social est élevée : elle oscille entre 20 et 30 % de ce groupe, soit environ 1,5 million de personnes. Le Québec est l’une des provinces canadiennes qui vieillissent le plus vite. Il doit donc mettre en place « des actions pour lutter contre, c’est-à-dire éviter, retarder ou ralentir, l’isolement social des personnes aînées », peut-on lire dans le rapport de recherche.

Au départ, en 2019, ces visites guidées devaient se faire en présentiel dans les salles du MBAM. Mais l’éclosion de la COVID-19 est venue tout chambouler. Les chercheurs et partenaires ont alors convenu de mener les visites en virtuel.

Les cycles avaient une durée de trois mois. Une visite par semaine, d’une durée de 45 minutes, était au programme. Chaque groupe était composé de six ou sept participants, pas plus. Une période supplémentaire optionnelle de 15 minutes était proposée pour permettre un moment de discussion après l’intervention.

Chaque visite était différente et supervisée par un guide du MBAM. Les visites virtuelles étaient une combinaison d’interactions en direct avec le guide, parfois devant une image ou une vidéo d’œuvre d’art.

Avant de plonger dans ces cycles de visites, les participants ont dû remplir des questionnaires qui ont permis aux chercheurs d’en savoir plus sur l’isolement social, le bien-être, la qualité de vie, la fragilité et la vulnérabilité sociogériatrique qu’ils vivaient.

Les participants ont été réévalués à la fin du troisième mois à l’aide de questionnaires. Des entretiens individuels avec les participants, les guides et les autres collaborateurs ont également été réalisés. Les résultats ont clairement démontré que le cycle de trois mois de visites virtuelles du MBAM a eu des « effets bénéfiques multidimensionnels » sur les personnes âgées participantes. « L’isolement social a diminué et la santé physique et mentale s’est améliorée de manière significative », lit-on dans le rapport.

« Il y a beaucoup d’études qui portent sur ce sujet, mais il n’y a pas de niveau scientifique suffisant pour démontrer ces effets, m’a expliqué Olivier Beauchet, professeur titulaire en médecine gériatrique à l’Université́ de Montréal et chercheur principal de cette étude. C’est ce que nous avons fait avec toute la complexité que cela implique. »

Ce qui est fascinant, c’est que les contraintes imposées par la COVID-19 ont donné une nouvelle dimension aux travaux des chercheurs.

Le monde virtuel d’aujourd’hui a pour effet d’isoler l’individu dans un monde qui n’existe pas. Ce qu’il faut faire, c’est utiliser le vocabulaire des gens qui sont aujourd’hui dans le virtuel pour les ramener dans le présentiel à travers un vecteur commun. C’est ce que nous avons réalisé.

 Olivier Beauchet, professeur titulaire en médecine gériatrique à l’Université de Montréal et chercheur principal de cette étude

Cette étude, qui a fait l’objet d’un article dans la revue Frontiers in Medicine (on a observé un record de téléchargements du texte), fait déjà boule de neige. Les responsables ont créé un guide où l’on décrit une méthodologie afin que d’autres personnes puissent développer et implanter, dans un cadre culturel, une « offre de cycle de visites guidées virtuelles, efficaces et efficientes, et [réservées] aux aînés ». Ce guide sera offert gratuitement à toute personne qui souhaite lancer ce type d’initiative dans sa région. Il existe par ailleurs un consortium international qui rassemble des musées, des laboratoires et des professionnels qui continuent de creuser ce sillon.

Cette étude démontre que, même en mode virtuel, l’art maintient son mystérieux et inexplicable pouvoir. Et que ce pouvoir peut remplacer plusieurs médicaments.